Dans un contexte d’urgence climatique, les entreprises se voient imposer de nouvelles obligations en matière de transparence environnementale. Le reporting climatique devient un enjeu majeur pour les acteurs économiques, redéfinissant les contours de la responsabilité sociétale des entreprises.
Le cadre réglementaire du reporting climatique
Le reporting climatique s’inscrit dans un cadre réglementaire de plus en plus strict. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015 a posé les jalons en France, imposant aux investisseurs institutionnels et aux sociétés cotées de communiquer sur leur exposition aux risques climatiques. L’article 173 de cette loi a marqué un tournant, exigeant une transparence accrue sur l’intégration des enjeux ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) dans les stratégies d’investissement.
Au niveau européen, la directive sur le reporting extra-financier (NFRD) de 2014, renforcée par la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité (CSRD) en 2021, étend ces obligations à un plus grand nombre d’entreprises. Ces réglementations visent à harmoniser les pratiques de reporting et à fournir aux investisseurs et aux parties prenantes des informations comparables et fiables sur l’impact environnemental des entreprises.
Les informations requises dans le reporting climatique
Le reporting climatique exige des entreprises qu’elles communiquent sur plusieurs aspects clés de leur impact environnemental. Parmi les informations requises, on trouve :
– L’empreinte carbone : les entreprises doivent quantifier leurs émissions de gaz à effet de serre, en distinguant les émissions directes (scope 1), indirectes liées à l’énergie (scope 2) et les autres émissions indirectes (scope 3).
– Les risques climatiques : il s’agit d’évaluer les risques physiques (liés aux événements climatiques extrêmes) et les risques de transition (liés aux évolutions réglementaires, technologiques et de marché) auxquels l’entreprise est exposée.
– Les opportunités liées au climat : les entreprises doivent identifier les opportunités de développement en lien avec la transition écologique.
– Les stratégies d’adaptation et d’atténuation : il est demandé de présenter les actions mises en place pour réduire l’impact climatique et s’adapter aux changements.
– Les objectifs de réduction des émissions : les entreprises doivent définir des objectifs chiffrés et datés de réduction de leur empreinte carbone.
Les méthodologies et standards de reporting
Pour assurer la comparabilité et la fiabilité des informations communiquées, plusieurs standards et méthodologies ont émergé. Le Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD), créé par le Conseil de stabilité financière, a élaboré des recommandations qui font aujourd’hui référence. Ces recommandations s’articulent autour de quatre piliers : la gouvernance, la stratégie, la gestion des risques, et les métriques et objectifs.
D’autres initiatives comme le Carbon Disclosure Project (CDP), la Global Reporting Initiative (GRI) ou le Sustainability Accounting Standards Board (SASB) proposent des cadres de reporting complémentaires. L’enjeu pour les entreprises est de choisir les méthodologies les plus pertinentes pour leur secteur d’activité et leurs parties prenantes, tout en assurant une cohérence avec les exigences réglementaires.
Les défis du reporting climatique pour les entreprises
La mise en place d’un reporting climatique efficace soulève plusieurs défis pour les entreprises :
– La collecte des données : obtenir des informations fiables et exhaustives, notamment pour le scope 3, peut s’avérer complexe et coûteux.
– L’expertise technique : l’évaluation des risques climatiques et la modélisation des scénarios futurs requièrent des compétences spécifiques que toutes les entreprises ne possèdent pas en interne.
– La comparabilité : malgré l’existence de standards, la comparaison entre entreprises reste difficile, notamment en raison des spécificités sectorielles.
– L’intégration stratégique : le reporting ne doit pas être une simple obligation de conformité, mais doit s’intégrer dans la stratégie globale de l’entreprise.
– La gestion des attentes des parties prenantes : les investisseurs, les clients et la société civile ont des attentes croissantes en termes de transparence et d’engagement climatique.
Les implications pour la gouvernance d’entreprise
Le reporting climatique a des implications profondes sur la gouvernance des entreprises. Il nécessite une implication accrue des conseils d’administration et des comités exécutifs dans la définition et le suivi des stratégies climatiques. De nouveaux rôles émergent au sein des organisations, comme celui de Chief Sustainability Officer, pour piloter ces enjeux au plus haut niveau.
La rémunération des dirigeants est de plus en plus indexée sur des critères de performance extra-financière, dont les objectifs climatiques. Cette évolution reflète l’importance croissante accordée à ces enjeux par les actionnaires et les régulateurs.
L’impact sur la valorisation et l’accès au financement
Le reporting climatique influence de manière significative la valorisation des entreprises et leur accès au financement. Les investisseurs intègrent de plus en plus les critères ESG dans leurs décisions d’allocation d’actifs. Les entreprises qui démontrent une gestion proactive des risques climatiques et une stratégie de décarbonation ambitieuse bénéficient d’un avantage compétitif sur les marchés financiers.
L’émergence de la finance verte, avec des produits comme les obligations vertes ou les prêts liés à des objectifs de durabilité, offre de nouvelles opportunités de financement pour les entreprises engagées dans la transition écologique. Le reporting climatique joue un rôle crucial dans l’accès à ces instruments financiers, en fournissant les informations nécessaires aux investisseurs pour évaluer la crédibilité des engagements des entreprises.
Vers une standardisation accrue du reporting climatique
Face à la multiplication des initiatives et des standards, une tendance à la standardisation se dessine. L’International Sustainability Standards Board (ISSB), créé en 2021 sous l’égide de la Fondation IFRS, travaille à l’élaboration de normes globales de reporting sur la durabilité. Ces normes visent à établir une « base de référence » mondiale pour la communication d’informations liées au climat et à la durabilité.
En parallèle, l’Union européenne développe ses propres standards de reporting durabilité dans le cadre de la CSRD. Ces initiatives devraient conduire à une harmonisation progressive des pratiques de reporting climatique à l’échelle internationale, facilitant la comparabilité et la fiabilité des informations communiquées par les entreprises.
Le reporting climatique s’impose comme un pilier de la stratégie des entreprises face aux défis environnementaux. Au-delà de la conformité réglementaire, il devient un outil de pilotage stratégique et de dialogue avec les parties prenantes. Les entreprises qui sauront anticiper ces évolutions et intégrer pleinement les enjeux climatiques dans leur modèle d’affaires seront les mieux positionnées pour prospérer dans une économie bas-carbone.